Printemps 65 — extrait de Basketball Diaries

Alors il va derrière le comptoir, il allume les fourneaux, met du beurre dans la poêle, confectionne un sandwich au fromage, le jette dans la poêle, et met la poêle sur le feu. Il se met à faire un ice-cream soda avec au moins six parfums de glace différents. « J’ai toujours voulu me servir des pompes à sirop, des instruments pour faire les boules de glace dont se servent les pros, et d’envoyer des coups de siphon dans la coupe comme le vieux Gussie. » Il termine son ice-cream soda, rajoute de la chantilly et tout et tout, prend un tabouret et se met
à bouffer. Là-dessus deux flics se pointent et n’en croient pas leurs yeux. Bobby ne bouge pas, continue à s’envoyer sa glace, tout ça avec la caisse enregistreuse défoncée qui traîne par terre, et le sandwich oublié qui carbonise. « Il a dû prendre une de ces nouvelles drogues sataniques qui rendent dingues. » « Sataniques, mon cul, abruti d’Irlandais », a dit Bobby, et il s’est mis à baratiner le flic pendant dix minutes, comme quoi il travaillait là, et il avait vu le désastre en passant, et en plus il avait envie d’un ice-cream soda. « Ces enfoirés m’ont emmené au poste », me dit Bobby, « avec mon sandwich au fromage encore en train de brûler dans la poêle, ces abrutis. »

Jim Carroll

voir l’estampe